J’AI FAIT TOMBER OUSMANE FALL

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Ousmane Fall, c’est à Sebikotane, commune du Grand Dakar, que je l’ai vu pour la première fois, dans les ruines de l’Université du Futur. Sur la plus haute plateforme. J’étais montée par l’un des quatre escaliers. Lui, par un autre. À chaque étage, parmi les gravas qui jonchaient le sol et devant les meurtrières qui laissaient voir des horizons de plus en plus larges et de plus en plus lointains, sa silhouette était à l’affût. Sur la dernière plateforme, la plus large, sans toit, un coffrage de béton écroulé. Les planches pâlies par le soleil tenaient encore des tiges de métal hérissées au milieu de la mollesse du béton figé au-dessus du vide. Des milans volaient au-dessus de nous. Le vent était chaud. C’est là que nous nous sommes rencontrés. Nous nous taisions, cherchant comment saisir par le langage, par la pensée, par nos sens la structure inachevée sur laquelle nous marchions, et déjà en ruine, et que le discours du progrès avait déjà lancé sur un projet nouveau. Des images arrivent, on tente de ralentir l’événement qu’on met d’ordinaire sous le mot de catastrophe, on tente de les faire coïncider avec ce qu’on a sous les yeux et sous les pieds. Nous nous taisions par convention aussi, le temps de reconnaître si l’un de nous était du Réseau.

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Aujourd’hui Eurydice

 

Retranchée dans un appartement, la messagère d’Eurydice revient sur les évènements qui l’ont amenée à trahir le Groupe d’Intervention. État d’urgence, catastrophes industrielles, pollutions, montée des eaux… Au cours d’une de ses enquêtes, la messagère retrouve Orphée. Il a entrepris de redescendre aux enfers mais, hors-sol depuis longtemps, le héros n’a plus de repères… La messagère l’accompagne, le guide, lui souffle son rôle et lui montre les boucles baroques d’un monde en mouvement. Tout est lié dans ce roman aux multiples facettes qui tente de saisir les dérèglements de notre époque : réécriture du mythe, matière musicale issue de l’opéra de Monteverdi, fable écologique, poésie pétrochimique… Orphée, héros en fuite traqué par des forces contraires, et dénominateur commun de cet étonnant tumulte, cherche une main tendue. Aujourd’hui Eurydice.

Le livre se commande aux éditions publie.net,
ou dans toute librairie,
en format papier et numérique (avec boucles retroactives).
Il est accompagné d’un site « avant-scène »… eurydice-02

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Nos chers déchets… et ce qu’il en reste

Le grand plateau d’exposition du MuCEM (Marseille) a accueilli en 2017 une exposition, Vies d’ordures, consacrée à l’économie des déchets en Méditerranée, avec un angle de présentation inédit, fondé sur des enquêtes ethnographiques réalisées en Turquie, en Albanie, en Égypte, en Italie, en  Tunisie, au Maroc ou dans le Sud-est de la France… 129.195 visiteurs s’y sont rendus. Le collectif Urbain, trop urbain a pris part à son élaboration, de 2015 à 2017, au sein de l’équipe de direction artistique et de scénographie.

 

À découvrir sur Urbain, trop urbain, et dans la même veine, des recensions de livre et d’expositions…

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Le génie du rivage

 

Entendre un siècle de produits chimiques, un arrêté préfectoral pour mettre un terrain en servitude, les voix de sept anciens de l’usine Kuhlmann qui disent ce qu’il en reste, dans les cœurs, dans les corps et dans les sols… c’est une façon d’habiter encore cette bande de terre, malgré la présence du génie de la chimie qui y est enfermé.

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UN TATOUAGE DE RÊVE

 

Qui n’a jamais laissé aller ses rêveries jusqu’au tatouage qu’il se ferait faire, le laissant se promener sur son épiderme et changer de forme au gré des expériences de la vie, tant que les aiguilles ne l’y ont pas fixé en une trace indélébile, ancrant à jamais le témoignage d’une vie vécue dans le présent d’une peau. J’ai souvent pensé au sens qu’il y a à se faire tatouer : l’expiation d’une faute par un marquage à vie, l’inscription d’une parole scellée à vif ou le goût pour une expérience intense et douloureuse… Mais si j’ouvrais un salon de tatouage, nous oublierions ces conventions, et nous commencerions, avec la personne venue, par dérouler le fil des trajets qu’elle a pratiqués, nous ferions l’inventaire des invisibles l’ayant traversée (ondes, rayons, produits chimiques…), puis nous établirions des correspondances singulières entre ces substances généralisées et leurs appréhensions biographiques particulières. Mon rôle consisterait à faire apparaître le milieu constitué par le corps de chacun. > Lire la suite

© zone claire 2015