les rendez-vous d’orphée

Basta ! Orphée ne se contente plus de la sublime image d’Eurydice dans son ciel apollinien— il se remet à sa recherche… mais les portes des enfers sont nombreuses…

une rencontre d’Orphée

 

Depuis si longtemps qu’il ne sent plus les picotements à la plante de ses pieds, ni le flux battant de ses cuisses. Ses reins, raides, sa colonne tassée. Il a trop marché le long de ces voies. Et pourtant au matin, il les poursuit encore, celles qui fuient la parallèle.

Le chemin de fer arrive au bout du pont-tournant, où roulent les rayons de soleil qui se jettent sur les gesnêts et déboulent la colline entre les pins, les orchidées et dans la garrigue, jusqu’à la mer. La Méditerranée. Deux ou trois tankers en station. Des panaches sur la rive s’échappent des cheminées rayées de rouge et de blanc aux pieds desquelles s’agglutine un contingent de cylindres blancs. Une torchère lance sa flamme à l’aube qui rosit. L’argade conduit son souffle mêlé de gaz, de ciste et de thym. C’est là le front de l’ère industrielle. Il le sait, mais il y a cette voix. Va plus loin. Pas d’éclat où tu vas.

L’ancien chenal se tient fixe entre ses rives droites où filent, entre fenouils et genêts, des rails désaffectés le long d’une terre barbelée. Monceaux ocre et gravas gris barrent l’horizon. Des palmiers sont venus se planter dans l’asphalte qui se craquèle. Ils signalent son arrivée par un bruissement de papier. Une voiture passe. Renault 12 bleu ciel. Il se plaque au mur déchiqueté, le seul qui reste, ses chaussures se prennent dans des tôles en tas, ondulations d’amiante à ses pieds. Et si c’était là ? Il lève les yeux et se récite la généalogie qu’on lui a apprise. Kuhlman, Ugine, Pechiney, PUK. Ato, Atochem, Elf, Atofina. Azur Chimie, Albemarle, ICIG, ci-gît, c’est fini. > Lire la suite

sinking

 

C’est là. C’est là le rendez-vous. Même ici on dit comme ça. C’est là qu’ils lui ont dit de venir, sur l’ancienne L A One. Là où la route s’enfonce. C’est l’impression qu’on en a quand on arrive de la highway. Grand arc gris qui courbe l’horizon, qui tourne, et qui plonge au moment où le goudron s’éclaircit avec sa double bande jaune au milieu. Mais c’est l’eau qui monte, tout le monde le sait. Les Indiens, les Cadiens, each one. C’est ce qu’on lui a dit à Port Fourchon, plus haut, au carrefour qui mène aussi à Grand Isle. Nuances d’acier et d’oil à peine mobiles. L’eau douce qui se sale. On en parle ici. All landscapes are vanishing. > Lire la suite

partir à 5 am

 

Go on à attraper le soleil 5 am j’enfourche le vélo jamais attaché et vers l’est vers l’est n’importe quelle route Claiborne ou Saint Claude suffit de trouver un pont qui à gauche encore à gauche et tout droit et là le pont pas levé ses poutres d’acier rythment les hangars et moi sweaty déjà sous la chemise où s’engouffre le vent léger qui ne suffit pas à rafraichir ni à balancer les arbres pas verts encore car lumière trop nuit mais le halo s’étend là-bas avant la chaleur sur tout le jour et tout ce monde qui se lève tôt en bagnole ils passent de quarter en quarter dans la pénombre des fenêtres allumées des façades pas roses pas bleues pas jaunes encore quand il y en a des maisons ce qu’il en reste des baraques > Lire la suite

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