Pepita

 

SORTIE __ 17
Pepita se réveille
Contre ses tympans les tournoiements de la nuit frappent encore la place de terre
Taches vagues et colorées dans la lumière en grains
Sur sa cuisse le souvenir d’une main
Derrière le rideau un bruit de seaux
Et le craquement d’une ampoule sous la semelle d’un dévot déroulant sa guirlande

SORTIE__18
Au matin des bifurcations, Pepita songe à son destin linéaire.
Dos au mur des conversations ordinaires elle égorge ses rêves de poule
A ses pieds quelques plumes
sur sa robe deux ou trois fleurs supplémentaires

SORTIE__ 19
Pepita cueille quelques fruits vagabonds aux abords d’une cabane en carton
Elle éclate les bulles de ses intestins grêles et rit de ses dents d’or qu’elle présente au soleil

SORTIE__ 20
Il est midi. Pepita chante pour les rares habitants de la terre, pour les zones, pour les friches, pour les landes et pour les marges. Pour le dessous des ponts, pour les marécages et les paysages décomposés en recomposition.

Elle chante pour les vice-versa du paysage et de soi.

SORTIE__ 24
Silence de la terre qui brûle les pieds
À part les vagues des véhicules depuis l’amphithéâtre des bordures.
Un souvenir de l’Est roule sur le ruban déployé. Et toute ville c’est la méditerranée.

SORTIE__ 26
Pepita, accoudée au moteur d’un vieux break farouche, fourre dans la bouche d’un garçon sa langue chargée de toutes les particules englouties depuis l’aube de sa vie.
Et dans la poussière l’histoire ne dit pas combien d’heures ils éparpillent
À la SORTIE__27
Sieste longue et sèche à poser ses reins au creux d’un talus planétaire.

SORTIE__29
Au soir c’est l’errance entre les puits de jouvance.
Pepita connaît ces territoires-là, connaît ou ne connaît pas.
Mais elle danse dans le vent au rythme des peupliers balancés.

La SORTIE__30
fait monter le bourdon de la nuit. Pepita accroupie regarde à l’horizon les pelles mécaniques araser les cabanes en restes, les guirlandes de la place, le panneau de la Vierge sur la terre, son père, sa mère et ses frères.

SORTIE__31
Les yeux en friches Pepita défait ses sandales et se love dans la solitude de chaque étoile. Un camion passe, deux camions passent, une moto encore, un flash, une voiture, une moto, une voiture, un camion, un flash. Et le ressac à ses oreilles, et les flashs entre ses paupières.

SORTIE__14
Autant de vœux se formulent entre ses lèvres.

SORTIE__15
Au matin des courbures périphériques, Pepita songe à son destin circulaire.

Sans fin sa vie tourne, de 14 à 31. Se fait des sœurs et nourrit des chiens, recueille les fruits vagabonds et fourre sa langue dans la bouche d’un garçon, erre le soir aux puits de jouvance, égraine ses souvenirs polyphoniques, perd ses frères et retrouve ses sœurs autour du périphérique intérieur.

 

Pepita © Frédéric Malenfer pour les "Légendes périphériques" 2014

Pepita © Frédéric Malenfer pour les « Légendes périphériques » 2014

 

 

 

Texte passé sous une forme différente  par la performance « Les légendes périphériques », Centre culturel Bonnefoy, Toulouse, octobre 2014

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