mot de la zone : anthropocène

distorsion (il était temps)

 

Je préfèrerais me taire si j’estimais que cette relation ne pouvait donner espoir à ceux que l’étrangeté de notre époque accable— dont l’un des premiers signes est à coup sûr que les catastrophes s’y commémorent comme des victoires— me plais-je à penser, mais peut-être trop vite— contre un ordre qui s’est arrogé depuis près de deux siècles maintenant une vision exclusive et linéaire du passé, du présent et, pire, du futur. Nous pourrions discuter ici, et certains cercles de ma connaissance ne manqueront pas de le faire, de la nature des phénomènes de boucles par lesquelles des actions de naguère qu’on avait crues prospectives s’avèrent rétroactives, et des causes physiques de tout cela, et des conséquences cosmologiques qui nous arrivent. Mais la mention de l’évènement du 29 août 2015 tel qu’il s’est enroulé, devrais-je dire, à la Nouvelle Orléans, fera sentir plus directement les circonstances inouïes dans lesquelles nous sommes depuis ce jour. > Lire la suite

partition

 

Ouverture en doubles croches ascendantes aux trompettes. Amour. Cet homme est à sa voix ce que cette femme aux fleurs sauvages. Mariage. Elle prend les choses par la racine et se dérobe. Sa quête à lui pour fléchir à l’aide d’instruments les forces contraires et la ramener en surface. Accord bancal dans les tréfonds. Ça dissone. Il échoue à lui parler sans la regarder. Mille fins imaginées. Dont deux par Monteverdi : le pouvoir de la beauté mesurée élève le héros en pleine lumière, où il la retrouve, elle, mais pas elle, en simulacre. Ou bien. Les prêtresses de la puissance folle le disséminent pour toujours en fleurs sauvages, en roches sauvages, en écume dans l’océan sauvage, en tempêtes vives dans les méandres sauvages des vents sauvages et l’opéra s’ouvre enfin sur le ciel et la terre— version qui n’a plus de partition pour être jouée ni chantée. Restent les mystères sur les murs silencieux de Pompéi.

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sinking

 

C’est là. C’est là le rendez-vous. Même ici on dit comme ça. C’est là qu’ils lui ont dit de venir, sur l’ancienne L A One. Là où la route s’enfonce. C’est l’impression qu’on en a quand on arrive de la highway. Grand arc gris qui courbe l’horizon, qui tourne, et qui plonge au moment où le goudron s’éclaircit avec sa double bande jaune au milieu. Mais c’est l’eau qui monte, tout le monde le sait. Les Indiens, les Cadiens, each one. C’est ce qu’on lui a dit à Port Fourchon, plus haut, au carrefour qui mène aussi à Grand Isle. Nuances d’acier et d’oil à peine mobiles. L’eau douce qui se sale. On en parle ici. All landscapes are vanishing. > Lire la suite

partir à 5 am

 

Go on à attraper le soleil 5 am j’enfourche le vélo jamais attaché et vers l’est vers l’est n’importe quelle route Claiborne ou Saint Claude suffit de trouver un pont qui à gauche encore à gauche et tout droit et là le pont pas levé ses poutres d’acier rythment les hangars et moi sweaty déjà sous la chemise où s’engouffre le vent léger qui ne suffit pas à rafraichir ni à balancer les arbres pas verts encore car lumière trop nuit mais le halo s’étend là-bas avant la chaleur sur tout le jour et tout ce monde qui se lève tôt en bagnole ils passent de quarter en quarter dans la pénombre des fenêtres allumées des façades pas roses pas bleues pas jaunes encore quand il y en a des maisons ce qu’il en reste des baraques > Lire la suite

© zone claire 2015