mot de la zone : terre

Aujourd’hui Eurydice

 

Retranchée dans un appartement, la messagère d’Eurydice revient sur les évènements qui l’ont amenée à trahir le Groupe d’Intervention. État d’urgence, catastrophes industrielles, pollutions, montée des eaux… Au cours d’une de ses enquêtes, la messagère retrouve Orphée. Il a entrepris de redescendre aux enfers mais, hors-sol depuis longtemps, le héros n’a plus de repères… La messagère l’accompagne, le guide, lui souffle son rôle et lui montre les boucles baroques d’un monde en mouvement. Tout est lié dans ce roman aux multiples facettes qui tente de saisir les dérèglements de notre époque : réécriture du mythe, matière musicale issue de l’opéra de Monteverdi, fable écologique, poésie pétrochimique… Orphée, héros en fuite traqué par des forces contraires, et dénominateur commun de cet étonnant tumulte, cherche une main tendue. Aujourd’hui Eurydice.

Le livre se commande aux éditions publie.net,
ou dans toute librairie,
en format papier et numérique (avec boucles retroactives).
Il est accompagné d’un site « avant-scène »… eurydice-02

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Nos chers déchets… et ce qu’il en reste

Le grand plateau d’exposition du MuCEM (Marseille) a accueilli en 2017 une exposition, Vies d’ordures, consacrée à l’économie des déchets en Méditerranée, avec un angle de présentation inédit, fondé sur des enquêtes ethnographiques réalisées en Turquie, en Albanie, en Égypte, en Italie, en  Tunisie, au Maroc ou dans le Sud-est de la France… 129.195 visiteurs s’y sont rendus. Le collectif Urbain, trop urbain a pris part à son élaboration, de 2015 à 2017, au sein de l’équipe de direction artistique et de scénographie.

 

À découvrir sur Urbain, trop urbain, et dans la même veine, des recensions de livre et d’expositions…

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Le génie du rivage

 

Entendre un siècle de produits chimiques, un arrêté préfectoral pour mettre un terrain en servitude, les voix de sept anciens de l’usine Kuhlmann qui disent ce qu’il en reste, dans les cœurs, dans les corps et dans les sols… c’est une façon d’habiter encore cette bande de terre, malgré la présence du génie de la chimie qui y est enfermé.

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une rencontre d’Orphée

 

Depuis si longtemps qu’il ne sent plus les picotements à la plante de ses pieds, ni le flux battant de ses cuisses. Ses reins, raides, sa colonne tassée. Il a trop marché le long de ces voies. Et pourtant au matin, il les poursuit encore, celles qui fuient la parallèle.

Le chemin de fer arrive au bout du pont-tournant, où roulent les rayons de soleil qui se jettent sur les gesnêts et déboulent la colline entre les pins, les orchidées et dans la garrigue, jusqu’à la mer. La Méditerranée. Deux ou trois tankers en station. Des panaches sur la rive s’échappent des cheminées rayées de rouge et de blanc aux pieds desquelles s’agglutine un contingent de cylindres blancs. Une torchère lance sa flamme à l’aube qui rosit. L’argade conduit son souffle mêlé de gaz, de ciste et de thym. C’est là le front de l’ère industrielle. Il le sait, mais il y a cette voix. Va plus loin. Pas d’éclat où tu vas.

L’ancien chenal se tient fixe entre ses rives droites où filent, entre fenouils et genêts, des rails désaffectés le long d’une terre barbelée. Monceaux ocre et gravas gris barrent l’horizon. Des palmiers sont venus se planter dans l’asphalte qui se craquèle. Ils signalent son arrivée par un bruissement de papier. Une voiture passe. Renault 12 bleu ciel. Il se plaque au mur déchiqueté, le seul qui reste, ses chaussures se prennent dans des tôles en tas, ondulations d’amiante à ses pieds. Et si c’était là ? Il lève les yeux et se récite la généalogie qu’on lui a apprise. Kuhlman, Ugine, Pechiney, PUK. Ato, Atochem, Elf, Atofina. Azur Chimie, Albemarle, ICIG, ci-gît, c’est fini. > Lire la suite

PORT-DE-BOUC SENTINELLE

 

Port-de-Bouc en son paysage est une ville sentinelle. Au front des matières, elle a dû choisir plusieurs fois déjà, ce qui pouvait rester et ce qui devait partir. Ce qui devait s’aménager et ce qui devait déménager. Cette ville bâtie aux avant-postes de l’ère industrielle, écoutons-la. Écoutons-la raconter la révolution des machines dans les vies, écoutons-la égrainer les immigrés venus ici pour travailler, écoutons-la chanter les humains qui se rassemblent en syndicats, en mutuelles, en foyers, en cercles ouvriers, en quartiers, en associations grecques, italiennes et gitanes, sur les deux places du marché et dans les soixante-dix cafés. Toutes ces voix d’hommes sur la voie publique, toutes ces voix de femmes au pied des immeubles, et ces enfants qui courent dans les allées. Port-de-Bouc n’entend plus les sirènes du progrès. Écoutons-la raconter les combats et les négociations entre le travail et la pollution. Écoutons-la compter le prix à payer de la sortie des industries. Écoutons-la respirer l’air qui l’inspire. Regardons-la sédimenter son inconstructible rivage. Écoutons son cœur battre pour un espace à récupérer sur la ruine du siècle dernier. Écoutons le bruissement incertain de ce qui lui arrive. Écoutons-la fabriquer un monde au jour le jour et qui sera bientôt le nôtre — ville au front, ville sensible, ville sentinelle qui joue pour nous, terriens, le pari d’un lendemain.

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© zone claire 2015