La piste Latécoère

 

Ce jour-là les paysages sont de larges aplats

Un                   deux                trois              quatre

Vous les reliez
atomes disciplinés
mais la matière ici est rompue à toutes les expériences

Vous les traversez

Un—
Des sous-bois avec leurs mousses, une pie non envolée, un criquet au cabaret des oiseaux parmi la lande où s’égaie le jeune peuple du terrain concédé

Et puis trombes, rails et graffs
météorites d’éternité contre le granulat
Deux—
Un chaos de bitume pris dans de l’argile importée

On dirait qu’un jour le périph a dû ramper par là
défonçant la terre, les lianes et le lierre, les odeurs de serpillère
dans le fond des marécages
les traces de naufragés, cuillères et canapés
et les arbres hauts qui plongent dans la fraicheur des remblais

Un pont nouveau vous offre son amphithéâtre par dessous son tablier
Seule une musaraigne y fait un dernier spectacle

Trois —
La piste Latécoère
Larges saignées en résistance d’une invasion possible

Les rocs
larges contre le rêve d’atterrir sur la piste entravée

Les souples peupliers se balancent sous les nuages s’ouvrant à la caresse d’or

L’asphalte bleu de vos esprits plane depuis les ateliers tout là-bas
vers Saint-Exupéry au ciel gris

Et vous marchez
Vous marchez jusqu’en bout de piste qui s’étoile de l’ancienne traversée de l’Atlantique
Vous marchez de planètes en planètes dans le sillage d’un petit prince moderne qui raisonnait encore trop sur ses déménagements divers à la recherche d’une maison secondaire
Vous marchez

Las ! vous êtes là les humains
Vous déambulez encore sur mes cicatrices à peine ouvertes
Mais de moi vous ne connaitrez rien sinon les infimes chemins dont vous me tatouez

Quatre—
Les jardins ouvriers
Ouvriers et abandonnés
Les fantômes ici ont laissé comme à Pompéi leurs sacs aux porte-manteaux
Les seaux les iris les pêchers greffés se mettent à rythmer la mesure des cabanons

Murs en planches de béton
Tôles d’amiante ondulée
Dans les étagères un briquet de l’engrais le magazine décoloré d’un été dépassé

 

À la fin, à la fin si c’est la fin, je suis lasse de ce monde si ancien

 

 

Texte passé sous une forme proche par « Périphstrip, la performance », au PUL, Toulouse, juin 2013
par la performance Les légendes périphériques, Centre culturel Bonnefoy, Toulouse, octobre 2014
et par Périphérique intérieur, Urbain, trop urbain, éd. Wildproject, 2014.

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