Parler stanbouliote

 

À part le grand büyük et le neuf yeni. A part le teçekür, merci ! et la mer à boire du bonjour, à part evet / hayer, pour les là du oui et les ici des non, à part l’ada île ardente au soleil des princes, à part les –mez interdits, à part les noms de lieux et les noms de Dieu, à par les cédilles qui crochètent la langue au palais des poissons avec plus ou moins de souffle selon l’heure du jour du Bosphore, à part les i sans point, à part la voix du muezzin à 13h16, la voix du vendeur d’eau, celle du vendeur de pain qui passe, à part la voix du récupérateur de métaux sur son dos et du livreur de gaz, à part la voix des enfants qui nomment leur père en bateau, il y a l’articulation de la mouette, du chat et du chien.

Car dans la commune d’Istanbul chiens, chats et mouettes ont voix au chapitre du partage de la voirie. Et si l’un, ou dix, surprennent par leur conversation, nul ne pourra se prévaloir de son droit de cité. C’est ainsi.

Et vous rêverez peut-être qu’un Stambouliote au marché de Kadıköy ou celui de Galata, jette, à vous aussi, des têtes de poissons à gober, ronger ou dépiauter. Alors vous pourriez prolonger votre souffle, vous aussi le long de la Corne d’Or au-delà du grand büyük et du neuf yeni.

 

 

Texte déjà passé par le site Urbain, trop urbain, dans la chronique Relations urbaines.

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