Habitant là

 

Visuel-urbain-trop-urbain 10

© Jean-Yves Bonzon pour « Périphérique intérieur », Urbain, trop urbain, éd. Wildproject 2014.

 

C’est l’été

le dernier jour de l’été

C’est l’été le premier jour
Friches jachères impasses et parcours

Nous passons

Sur tous les pas perdus venus déverser les objets affichés dans la réalité du fossé

Il y en a un qui venu du Kosovo sur son matelas regarde monter la Garonne
Un qui sous la tente récite des versets au téléphone
Il y a ceux qui sous le pont ajoutent des armoires, des fauteuils, des palettes et des miroirs pour faire de la berge un territoire
à soi

Des pas et des mains qui saluent à travers la portière
Clignotants et klaxons derrière la glissière

Et nos pas sur le territoire inculte
Et nos pas sur la terre goudronnée
au pied des pins serrés, au bord des acacias

Il y en a qui ont enterré plusieurs chiens déjà dans les courbures de leur vie
Et il y ceux qui laissent s’avancer seul le plus barbu devant l’étranger
Et ceux qui d’un regard lointain se réorganisent et détendent les fils de leurs relations d’araignées

Nous avançons dans les friches
Nous sommes perdus dans les daturas
faufilés dans les tunnels
sous nos semelles le ballast dessine un double horizon qui fuit la parallèle

Et nous quittons les rails

Sous les ponts nous marchons en oblique
Dans l’oreille l’écho des véhicules
nous recueillons dans nos paumes le creux des particules

Il y a ceux qui peignent et ceux qui cognent
Ceux qui ont des chèvres et ceux qui ont des chiens
Ceux qui ont des cabanes, des caravanes, des planches ou du carton
Ceux qui tiennent la place
Ceux qui ont choisi et ceux qui sont partis
Ceux qu’on a poussés hors de l’intérieur, guirlandes dénoncées, ours arrachés
la pagaille
Tous ceux qui savent circuler entre les territoires efficaces
Tous ceux qui ont empli les interstices du décor
pour se laver cuisiner dormir
Tous ceux qui ont déposé dans le creux de la voie le don chaud de l’intérieur

Tous ceux-là les habitants des confins
Ceux qui circulent et ne circulent pas le long des zébras
Ceux qui tirent ou ne tirent plus leur vie sur le chemin de halage

Tous ceux-là circonscrivent leur vie à la surface de la Terre
et moi je vis à l’intérieur

Ils sont ma frontière, ma peau ma chaire mon tympan qui résonnent à tout crash d’atmosphère

 

 

 

Texte passé sous une forme proche par « Périphstrip, la performance », au PUL, Toulouse, juin 2013
et par « Périphérique intérieur », Urbain, trop urbain, éd. Wildproject, 2014

passé sous cette forme lors de « Périph’strip, le Tour operator », en bus Tisséo, Toulouse, septembre 2014
et par la performance « Les légendes périphériques » au Centre culturel Bonnefoy, Toulouse, octobre 2014

 

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